Garde alternée – article de Psychologie mag

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Une semaine chez papa, une semaine chez maman : de plus en plus d’enfants vivent à ce rythme quand leurs parents se séparent. Une formule en apparence équitable, mais non sans risque.

Tu comptes demander la garde alternée ? C’est « la » question à laquelle s’expose tout parent en instance de séparation. Ce n’est pas surprenant : si ce nouveau mode de garde n’est demandé que dans 10 % des procédures de divorce, il se développe inexorablement. Quand tout se passe bien, on n’a rien trouvé de mieux pour préserver les liens familiaux. Mais quand tout se passe mal, on n’a rien inventé de pire pour déstabiliser un enfant.
On parle de garde alternée dès que l’enfant passe trois nuits par semaine au domicile de l’autre parent. L’une des modalités les plus répandues est une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre. Depuis que la loi de mars 2002 a entériné la formule, avocats et juges aux affaires familiales ont manifesté un véritable engouement pour ce mode de garde. Il est vrai que le texte n’a fait qu’homologuer une pratique instaurée par les couples non mariés réglant leur séparation à l’amiable, et qui a lentement progressé pour toute sorte de raisons. Des plus légitimes (des pères et des mères également présents, responsables, éprouvant la même envie d’une réelle coparentalité) aux plus inconscientes (culpabilité du père qui quitte le foyer, volonté de punir la mère qui s’en va), en passant par les plus sordides (refus de payer une pension alimentaire).

L’aveuglement judiciaire

Pourtant, le volontarisme politique et l’enthousiasme judiciaire ne suffisent pas toujours. « Cette détermination affichée d’accepter toutes les demandes, même en cas de conflit, a généré des décisions tragiques, estime maître Piwnica, avocate spécialiste du droit de la famille. Avec un aveuglement sur le fait, entre autres, que les modalités de la garde alternée multiplient à l’infini le ressentiment de parents qui ne sont pas sortis du conflit. »

Quand Samira s’est séparée de son mari dans des conditions exécrables, la magistrate chargée de son divorce a accordé la garde alternée à son mari, sous prétexte que cela obligerait les parents à mieux s’entendre ! Moralité, dit-elle, « nos enfants sont devenus le vecteur de sa vengeance contre moi. Nos deux habitations sont distantes de cent mètres. Lors de notre séparation, pour favoriser l’instauration de la garde alternée, j’ai pris un petit deux pièces à la va-vite. Aujourd’hui, si je veux déménager, je suis obligée de demander l’autorisation du juge, au risque qu’il me la refuse au nom de la garde alternée. Mon ex-mari ne se prive pas de me menacer d’obtenir la garde complète. Quatre ans après notre séparation, il conserve une emprise sur ma vie. »

Au-delà de ces cas de guerre ouverte, combien de petites vexations, de gestes de rancœur, de mesquineries qui pèsent avant tout sur la vie de l’enfant ? Sur Léa (les prénoms des enfants ont été changés), 6 ans, dont le père refuse le doudou chez lui sous prétexte que c’est un foulard de sa mère. Sur Baptiste, 8 ans, qui ne va à son cours de judo qu’une semaine sur deux parce que c’est son père qui l’y a inscrit et que sa mère refuse de l’y emmener. Ou sur Yann et Marine, 12 et 14 ans, dont la mère est hospitalisée pour appendicite et que le père refuse de garder quelques jours de plus, « parce que ce n’est pas [sa] semaine » ? « Parvenir à une garde alternée équilibrée, c’est d’abord vouloir que ça marche », résume Sylvia Tabet, auteur d’un ouvrage exhaustif sur la question. « La seule chose à avoir en tête : que les enfants aient leurs deux parents. Il faut donc énormément de volontarisme et refréner toutes les pulsions liées à l’histoire terminée. » Sinon, l’enfant devient la victime toute désignée de ces guéguerres d’ex-époux. Qui peuvent virer au drame lorsque cet enfant est trop jeune.

Des tout-petits en grande souffrance

« Dans notre pratique, nous constatons d’ores et déjà l’apparition d’une souffrance psychique parfois très importante chez les nourrissons soumis à des éloignements répétés et prolongés d’avec leur mère, explique le psychiatre Maurice Berger. Pour les enfants de 0 à 3 ans, nous pouvons affirmer que la justice crée actuellement une pathologie quasi expérimentale dont les conséquences apparaîtront dans quelques années. » Si les psys ont souvent confisqué le débat de la garde alternée en s’étripant, par médias interposés, sur ses conséquences pour l’enfant, la plupart s’accordent quand il s’agit des tout-petits. Un certain nombre d’entre eux proposent d’ailleurs une mise en place progressive de la résidence alternée, de façon à ce qu’elle s’adapte au rythme de croissance de l’enfant. Même le pédopsychiatre Gérard Poussin, plutôt favorable à ce mode de garde, en convient : « Des ruptures et des séparations répétées sont source d’angoisse pour l’enfant. Un nourrisson qui ne voit pas sa mère pendant une semaine ne la garde pas en mémoire. Il a un sentiment de perte, d’abandon insupportable. »

Victor a 18 mois. Il est en garde alternée depuis six mois. Quand son père vient le chercher, il hurle « veux pas ! » en s’accrochant à sa mère, qui doit user de force pour décrocher l’enfant de son cou. Qui peut tolérer la souffrance de cet enfant ? La justice qui, dans ce cas, répond : « Il est nécessaire que l’enfant soit le plus vite possible confronté à une séparation d’avec sa mère afin d’établir avec son père une relation vraie et complète. » Helena, 4 ans, est en garde alternée depuis deux ans. Sa mère s’inquiète de troubles psychologiques – cauchemars, énurésie, hyperattachement à elle –, inquiétude corroborée par l’expertise d’un pédopsychiatre. Réponse du juge : « Mme X exagère un comportement normal de sa fille qui, comme tout être humain, a besoin d’un temps d’adaptation. Persister dans un tel comportement de dramatisation excessive ne manquera pas d’obérer le développement futur de son enfant. »

Hystérie maternelle ou instinct de protection?

Coupables d’être fusionnelles, les mères ? de vouloir couper leurs enfants du père ? d’être hystériques ? Sandrine se bat contre une garde alternée imposée qui perturbe terriblement son fils de 3 ans : « Les semaines chez son père, il mange à la cantine et va à la garderie jusqu’à 18 h 30. Il n’y a pas un juge pour comprendre que l’on n’impose pas ce rythme à un enfant en première année de maternelle ? Quand je dis ça, le regard que la société et la justice me renvoient est insupportable. Comme si j’étais une mère abusive. » « La douleur de ces mères est indicible et inaudible », déplore Pierre Labrouche, psychanalyste et intervenant auprès de l’association L’Enfant d’abord. « La justice les renvoie à un discours légaliste alors que leur cri est lié à quelque chose d’archaïque, de quasi biologique. Alors on va les accuser d’être abusives, hystériques, mais certaines n’ont pas d’autre choix, parce qu’elles se voient niées dans leur fonction première, exacerbée par le conflit, de protection de leur petit. »

La difficulté vient également de ce que les pères, y compris de bonne foi, affirment que leur enfant semble aller très bien les semaines où il est chez eux. « C’est sans doute vrai et c’est très classique, explique Hana Rottman, pédopsychiatre. L’enfant se laisse aller à exprimer ses émotions dans le foyer où il se sent en sécurité. Il a besoin de savoir qu’il peut lâcher prise. Il choisit donc le parent le plus sécurisant à ses yeux. Chez l’autre, il fera toujours en sorte de bien aller : soit par peur, soit par culpabilité. » Alors, haro sur la garde alternée ? Certainement pas. Peut-être, simplement, faut-il souhaiter que les magistrats fassent preuve d’un peu plus de discernement dans son attribution. Et que les parents s’interrogent, sincèrement, sur la façon dont ils font peser le poids de leur souffrance d’adulte sur les enfants. Selon le peu d’enquêtes déjà effectuées (lire L’Enfant face à la séparation des parents : une solution, la résidence alternée du sociologue Gérard Neyrand, La Découverte, 2004), les effets positifs de la garde alternée sont étroitement liés aux conditions qui la permettent, notamment le maintien d’une communication sereine entre deux parents qui ont dépassé le stade du ressentiment, du chagrin ou de la colère. Pour le plus grand bien d’enfants qui n’ont surtout pas demandé à se trouver mêlés à ces histoires

Ce que dit la loi

Selon la loi n° 202-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale (art. 373-2-9), “la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un deux. A la demande de l’un des parents, en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un deux.

Premier bilan

Depuis le vote de la loi en 2002 et selon les chiffres du ministère de la Justice (avril 2004), la résidence alternée est demandée dans 10 % des procédures de divorce (1,5 % il y a dix ans). Dans 25 % des cas, elle est imposée contre l’avis de l’un des deux parents. L’âge moyen des enfants est de 7 ans. Dans 70 % des cas, la garde alternée exclut toute pension alimentaire. Ces chiffres sont cependant à prendre avec précaution. En effet, toutes les séparations de couples non mariés n’entrent pas dans ces statistiques.

septembre 2017
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