Un grand-parent privé de son petit-enfant : un drame silencieux et ignoré
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Le drame des grands-parents privés de leurs petits-enfants, conséquence des conflits entre parents, demeure un sujet trop souvent ignoré dans les séparations et les relations familiales conflictuelles. Cette réalité, pourtant dévastatrice, plonge les grands-parents dans une souffrance intime, profonde et silencieuse. Brutalement exclus de la vie de leurs petits-enfants, ils sont coupés de liens affectifs primordiaux, sans bénéficier d’aucun réel recours ni d’une reconnaissance sociale ou judiciaire adéquate. Leurs droits et leur douleur restent largement invisibles, malgré l’impact considérable de cette rupture sur l’équilibre familial.
Mon analyse repose bien évidemment sur des grands-parents bienveillants, équilibrés et désireux de maintenir un lien sain avec leurs petits-enfants, et non sur ceux dont le comportement serait nuisible ou manipulateur.
La séparation d’un couple peut déclencher des tensions dépassant le simple cadre des ex-partenaires, affectant aussi les relations avec les membres élargis de la famille, en particulier les grands-parents. Lorsque les conflits parentaux deviennent toxiques, les grands-parents peuvent être écartés, non seulement en raison de désaccords personnels mais parfois aussi comme des dommages collatéraux dans des dynamiques de manipulation ou de représailles. Les situations de violence conjugale ou de manipulation perverse complique encore davantage ces relations, où l’un des parents peut isoler l’enfant non seulement du parent adverse, mais aussi de la famille élargie.
Dans certains cas, l’un des parents utilise des techniques de manipulation perverse pour isoler l’enfant de ses grands-parents, un mécanisme souvent associé aux pervers narcissiques, mais qui peut également être utilisé par d’autres personnes présentant des comportements toxiques.
Dans certains cas, les grands-parents deviennent même les boucs émissaires des tensions du couple. L’un ou les deux parents, englués dans des conflits relationnels, peuvent projeter leurs frustrations sur leurs propres parents, les rendant responsables de leurs difficultés. En excluant les grands-parents de la vie de leurs petits-enfants, ils tentent ainsi de régler des comptes personnels ou font d’eux des coupables de leurs propres échecs. Ce mécanisme de bouc émissaire isole non seulement les grands-parents, mais complique également la situation familiale déjà tendue, souvent sans aucune possibilité de médiation ou de réparation des liens.
Une souffrance non reconnue :
Cette exclusion forcée peut avoir des conséquences psychologiques majeures sur les grands-parents : dépression, sentiment d’inutilité, culpabilité, confrontation à leur propre impuissance et détresse émotionnelle majeure. Pour beaucoup de grands-parents, les liens avec leurs petits-enfants représentent une forme de continuité familiale, une source de joie et d’accomplissement dans leur rôle éducatif et affectif, une manière d’aborder la vieillesse avec un peu plus de sérénité. Lorsque ces liens sont brutalement interrompus, c’est une partie de leur identité qui est remise en question.
Cette situation représente une véritable double peine. Non seulement les grands-parents souffrent de l’exclusion, mais les petits-enfants sont également privés de tout ce que peuvent apporter leurs grands-parents. Avec le temps, ces figures de stabilité, de transmission et d’amour inconditionnel deviennent de parfaits inconnus pour les enfants. Cette rupture affective crée des dégâts émotionnels durables, tant pour les grands-parents que pour les petits-enfants, qui passent à côté de relations intergénérationnelles essentielles pour leur développement.
Cependant, les grands-parents se retrouvent souvent dans une impasse. D’un côté, entamer une procédure judiciaire pour faire valoir leur droit de visite peut créer un point de non-retour dans leur relation avec leurs enfants, notamment lorsque ceux-ci se révèlent toxiques ou manipulateurs. Cet acte est perçu comme une attaque et aggrave souvent la fracture familiale, annihilant les chances de réconciliation. D’autre part, le temps joue contre eux. Les démarches judiciaires sont souvent très longues, parfois de plusieurs années, un délai que beaucoup de grands-parents n’ont plus. Pendant ce temps, les petits-enfants grandissent, créant une distance affective et émotionnelle qui peut rendre ces grands-parents étrangers à leurs propres petits-enfants.
Les répercussions sur les petits-enfants :
L’isolement des grands-parents ne touche pas seulement ces derniers. Les enfants privés de leurs grands-parents perdent aussi des figures de stabilité, de tendresse et de transmission culturelle et émotionnelle. Ces relations intergénérationnelles sont précieuses pour le développement émotionnel et identitaire des enfants, et leur privation peut engendrer un manque de repères ou accentuer le sentiment d’abandon et d’insécurité, surtout dans des contextes de séparation hautement conflictuelle. En étant coupés de leurs grands-parents, les enfants sont privés de cette opportunité essentielle de mieux comprendre d’où ils viennent, de connaître leur histoire familiale, et de s’ancrer dans des valeurs et des récits qui les aident à construire leur propre identité.
De plus, en usant de cette privation affective, les parents envoient un bien mauvais exemple à leurs propres enfants, qui risquent à leur tour de reproduire ce schéma d’exclusion lorsqu’ils seront adultes. Cela contribue à créer un cycle de rupture des liens familiaux, où la transmission de la rancœur, de responsabilité et du rejet prend le pas sur la transmission de l’amour et du respect intergénérationnel. Savoir d’où l’on vient est un pilier fondamental de l’identité de chacun, et couper ces liens affaiblit cette fondation, laissant les enfants grandir avec un vide émotionnel et historique qui peut les suivre tout au long de leur vie.
Un tabou peu traité par la justice et le corps médical :
Ni la justice ni le monde médical n’abordent pleinement ce drame. En théorie, les grands-parents ont un droit de visite qui est reconnu par la loi, mais en pratique, ces recours sont souvent complexes, long, coûteux et peu appliqués. De plus, les systèmes juridiques sont généralement focalisés sur les droits des parents et des enfants, laissant les grands-parents dans un angle mort juridique.
En ce qui concerne le monde médical et paramédical, la souffrance des grands-parents est encore peu prise en compte. Pourtant, il s’agit d’une douleur légitime qui mérite d’être mieux entendue dans les cabinets de psychothérapie ou dans les consultations familiales. De nombreux professionnels de la santé, notamment dans la prise en charge psychologique des familles, devraient être sensibilisés à cette problématique, afin d’accompagner cette douleur avec plus de reconnaissance et de solutions.
Témoignage : un lien brisé, une souffrance silencieuse
Je suis grand-mère de quatre petits-enfants, mais je ne vois mon fils qu’au mieux deux fois par an : une fois pour mon anniversaire en août, et un Noël sur deux. Mon fils, âgé de 40 ans aujourd’hui, est devenu un fervent catholique intégriste et royaliste. Il a choisi pour épouse une femme partageant ses convictions, mais avec encore plus de dureté et de mépris pour tout ce qui ne cadre pas avec leur vision du monde.
Chrétienne moi-même, j’ai longtemps gardé le silence sur les signes que je voyais, tels que leur racisme, leur antisémitisme et leur homophobie. Parfois, je me disais que je devais fermer les yeux, que c’était leur manière de vivre leurs valeurs. Mais à force de taire mes convictions, je suis devenue étrangère à leur univers.
Il y a un an, lors de leur dernière visite, j’ai pu enfin échanger avec ma petite-fille aînée, âgée de 13 ans. Ce qu’elle m’a confié m’a glacée : sa mère la gifle, elle et ses frères, avec une violence que j’aurais voulu ne jamais entendre. Mon cœur de grand-mère a saigné, mais mes mains étaient liées. Je ne pouvais qu’écouter, impuissante. Pourtant, avec toute la diplomatie possible, je m’en suis ouverte à mon fils…
Puis, lors d’une conversation téléphonique avec ma belle-fille – une conversation exceptionnelle –, elle m’a asséné des mots sortis de Dieu sait où et qui m’ont littéralement brisée : « Vous n’êtes même pas chrétienne » et ensuite, « Vous êtes passive-agressive. » Ces accusations, infondées et cruelles, m’ont transpercée comme des lames acerbes.
Je ne pouvais rester silencieuse face à une telle attaque. J’ai écrit à mon fils, pensant qu’il comprendrait la gravité de la situation et qu’il pourrait l’apaiser. Mais sa réponse a été encore plus tranchante. Désormais, je suis considérée comme « un danger pour leur famille » et il m’a ordonné de rester à l’écart jusqu’à nouvel ordre. Ces mots résonnent encore en moi, comme un couperet.
Aujourd’hui, le lien avec mes petits-enfants, déjà ténu, est rompu. Je ne les vois plus du tout. Ma belle-fille n’a jamais souhaité que nous créions une relation, malgré mes tentatives. Ce qui restait de notre lien s’est éteint, me laissant face à un vide immense. Mais malgré tout, j’ai écrit à mon fils que, s’il se souvient un jour qu’il a une mère, ma porte lui restera ouverte.
En attendant, je suis une grand-mère privée de ses petits-enfants, une mère exclue de la vie de son propre fils aîné. Et cette douleur, aussi invisible soit-elle pour le monde extérieur, est une blessure profonde, que ni le temps ni les mots ne peuvent guérir.
G. Perin d’A.
Pour conclure:
Ce drame silencieux, où les grands-parents se retrouvent coupés de leurs petits-enfants, ne doit plus être ignoré. Non seulement ces aînés souffrent d’une rupture brutale et souvent irréparable, mais les enfants eux-mêmes sont victimes de cette privation affective. En grandissant sans figures de stabilité et sans l’apport précieux de leurs grands-parents, ils perdent un lien essentiel pour mieux comprendre leurs racines et construire leur propre identité. Plus inquiétant encore, en privant leurs enfants de ce lien intergénérationnel, les parents transmettent inconsciemment un modèle de rupture et d’exclusion. Ce mauvais exemple risque fort d’être reproduit par les enfants lorsqu’ils seront eux-mêmes parents, perpétuant ainsi un cycle de rejet au sein de la famille.
Il est impératif que la société, la justice et les professionnels de santé reconnaissent cette double souffrance et s’engagent à briser ce cycle destructeur. Il ne s’agit plus seulement de réparer des relations, mais de préserver des liens vitaux pour le bien-être des générations présentes et futures, avant que ces blessures familiales ne deviennent irréversibles.
Autre témoignage:
Je souffrais de violents maux de dos depuis des années, jusqu’au jour où, brutalement, je suis tombée paralysée, en proie à une profonde dépression. Pendant les huit mois qui ont suivi, mon mari a refusé que je sois hospitalisée, préférant prendre un congé « maladie » pour, disait-il, m’aider et me surveiller. En réalité, ce temps libre lui a surtout permis de construire la maison de ses parents, à une trentaine de kilomètres de chez nous. Je ne le voyais que le soir.
Nous avions deux filles adolescentes à l’époque. Peu à peu, je me suis sentie étouffée, et j’ai vu le comportement de mes filles changer à mon égard : elles prenaient de la distance, faisaient des remarques acerbes. Mon mari les accaparait pour tout et rien. Je me suis même retrouvée rejetée par mes propres filles et leur père. Lors d’un concours équestre auquel l’une d’elles participait, j’ai été obligée de quitter le centre équestre. J’allais les chercher au collège et je devais faire face à un « comité d’accueil » qui m’interdisait l’accès : « Nous avons des ordres du papa. Vous n’avez pas le droit de voir les filles. »
Le week-end, je subissais les foudres de mon mari, qui s’en prenait principalement à ma famille et à mes amis : « Ce sont eux qui te rendent malade. » « Il faut couper les ponts avec tous ces gens-là. » Il m’a même forcée, sous la menace, à écrire une lettre à mes parents pour leur dire que je ne voulais plus les voir. Mes filles, elles aussi, ont coupé tout contact avec leurs grands-parents maternels : plus d’appels, plus de visites. Elles sont devenues agressives, tandis que la grand-mère paternelle s’immisçait de plus en plus dans notre vie, s’accaparant non seulement mes filles, mais aussi mon mari. Elle avait sans cesse besoin de lui, tout le temps. Mes filles suivaient leur père en silence.
Pendant cette période, malgré mes soins réguliers en hôpital de jour, je me suis rendu compte que mon mari, dans sa jeunesse, avait lui aussi été victime de ses parents. Ils avaient brutalement déménagé pour rompre avec leur propre famille. Allait-on revivre la même histoire ?
Oui…
Épuisée et anéantie, le divorce a été prononcé. Mes filles, toujours engluées dans un conflit de loyauté pourtant reconnu par des expertises psychologiques, ont pris leurs distances. Depuis l’an 2000, je n’ai plus de contact avec elles. La cadette, que je n’ai pas vue depuis presque 25 ans, a deux enfants que je ne connais pas. Je n’ai que quelques photos volées sur Internet.
L’aînée est revenue après 15 ans. J’ai découvert ses deux enfants, et ce furent cinq années de bonheur : Noëls, vacances ensemble, chez eux, chez moi. Mais un drame est survenu dans son couple, et à partir de là, ma fille m’a interdit de la contacter, ainsi que mes petits-enfants. Quatre ans de rupture. Une pluie de reproches, certains réels, mais la plupart imaginaires. Le dialogue est impossible. Je redécouvre, à travers ses paroles, celles de son père et de sa grand-mère paternelle.
Je n’étais absolument pas impliquée dans son drame, sauf par une profonde peine pour elle et ce qu’elle a enduré. Récemment, j’ai proposé une médiation (non judiciaire), qu’elle a refusée.
Aujourd’hui, ma tristesse est immense. Mon ex-mari a grandi presque sans grands-parents, mes filles n’ont connu que la moitié de leurs grands-parents, et mes quatre petits-enfants aussi. Comme beaucoup de grands-parents, ma vie est à jamais amputée, laissant un trou béant dans mon cœur, que rien ne pourra jamais combler.
Chantal L.
Geneviève Schmit – octobre 2024
Résumé: L’article « Grands-parents privés de leurs petits-enfants » aborde la souffrance des grands-parents coupés de leurs petits-enfants en raison de conflits familiaux. Cette exclusion, souvent provoquée par des manipulations ou des tensions conjugales, est décrite comme un drame silencieux. L’article met en lumière les conséquences psychologiques pour les grands-parents et les répercussions émotionnelles pour les enfants. Il appelle à une reconnaissance sociale et judiciaire de cette douleur, tout en soulignant la complexité des recours légaux.
Copyright © 2024 – Geneviève SCHMIT. Tous droits réservés. La reproduction intégrale de cet article est autorisée, à condition que le nom complet de l’auteur ainsi que le lien actif de la page du site internet http://soutien-psy-en-ligne.fr ou/et https://pervers-narcissiques.fr soient clairement indiqués. Merci de votre intérêt pour mon travail.
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Geneviève Schmit.
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Bonjour Jenny, Merci pour votre partage, et sachez que votre ressenti est parfaitement compréhensible. Il est fréquent, après avoir vécu…